Roland SANVITI est avocat à la Cour d’Appel de Paris, titulaire du diplôme universitaire de troisième cycle « Analyse des menaces criminelles contemporaines », délivré par l’Université Panthéon-Assas Paris II

QUELLE PEUT ETRE L’UTILITE DE CE SITE « JUSTICE ET DEMOCRATIE »

Il a toujours existé une difficulté à distinguer le bien du mal, notamment lorsqu’il s’agit d’actions ou de faits mineurs qui ne semblent pas troubler, de façon ostensible, l’ordre public.

De plus, pendant des siècles, l’existence de privilèges conférait automatiquement et par la seule naissance, à une partie de la population, un pouvoir notamment politique qui venait rendre plus difficile encore cette distinction entre le bien et le mal, surtout lorsqu’il s’agissait de prodiguer des récompenses et, a fortiori, des sanctions.

Or, la récompense et la sanction ont été, à toutes les époques, les stimuli de la société humaine, soumise à des passions et à la manipulation de ceux qui veulent l’asservir à leur seul profit.

Qu’il s’agisse de la manipulation des foules évoquée par Gustave LEBON, qu’il s’agisse de la Légion d’Honneur instituée par Napoléon, autant de moyens d’avilir ou de grandir, une femme, un homme et d’offrir, ainsi, à l’enfant l’exemple à suivre ou à ne pas suivre.

La société humaine a besoin de règles, s’il fallait citer Balzac et la Comédie Humaine, de règles du jeu pourrait-on ajouter et, par là même, elle a besoin d’un arbitre qui ne peut être, en aucun cas, le pouvoir lui-même, l’histoire ayant démontré qu’il est le plus souvent un acteur plus maléfique que bénéfique.

Le pouvoir d’un seul, lorsqu’il est bénéfique, est monarchique et lorsqu’il est maléfique il devient tyrannique.

Le pouvoir d’une minorité, lorsqu’il est bénéfique, peut être aristocratique et lorsqu’il est maléfique, il devient oligarchique.

Sous quel système de pouvoir a-t-on vécu au XXème siècle, tandis que la science, la technologie et la place prépondérante de l’argent et de la finance ont introduit des facteurs qui aggravent la difficulté en privilégiant le monde de l’apparence, du paraître plus que de l’être, du virtuel plus que du réel ?

Comme si l’homme ayant besoin de mystères, ce que nous inculquaient nos religions, avait dû laisser la place à un nouvel irrationnel, à un imaginaire qui permet, non seulement d’échapper à la réalité, mais d’être valorisé et de provoquer ce miracle qui consiste à transformer le rêve de chacun en argent.

C’est oublier que les seuls qui en profitent vraiment, ce sont ceux qui tirent les ficelles des manipulations comptables et financières, de l’économie virtuelle qui est devenue le symbole de la spéculation.

Or, la démocratie vers laquelle tendent depuis 1789 la plupart des populations occidentales, puis celles du globe tout entier, suppose le respect des valeurs qui ne sont pas seulement d’origine judéo-chrétienne, mais qui sont effectivement universelles dès l’instant où elles ont été reconnues par toutes les civilisations, comme participant au progrès de l’humanité, c’est-à-dire au bien être de chaque être humain.

Qu’il s’agisse du respect de la vie, du respect de la parole, du respect de l’autre, de l’aide apportée aux vieillards, aux femmes et aux enfants, aux êtres les plus défavorisés.

Qu’il s’agisse de la vertu, celle qui permit à Rome de fonder son empire.

Qu’il s’agisse du courage et du sens de l’effort.

Qu’il s’agisse de la solidarité, c’est-à-dire de la conscience de notre propre état de mortel, toutes ces qualités qui peuvent favoriser la démocratie, supposent également la transparence, c’est-à-dire tout ce que refuse le monde du mensonge, le monde des ténèbres.

La nuit du 4 août 1789 a réhabilité la véritable aristocratie, celle qui donne l’exemple, c’est-à-dire qui entretient le sens du devoir et l’honneur de servir et qui ne se distingue de la condition commune que par son courage et parfois par son sacrifice.

La mondialisation, l’émergence d’une puissance financière manipulatrice à l’échelle de la planète, pesant sur les décisions des pouvoirs publics, des états et, par conséquent, sur la vie quotidienne de leurs citoyens, rendait indispensable cette réflexion, l’égalité des droits est-elle un leurre, ces nouveaux maîtres du destin des femmes et des hommes, sont-ils à l’abri de toute sanction ?

Ce nouveau pouvoir, le plus souvent lâche, manipulateur et menteur, qui le détient, en utilisant quel moyen et dans la mesure où il devient criminel, comment le combattre ?

Hormis la réflexion de quelques sentinelles isolées qui ont existé à toutes les époques et que le peuple ne veut pas écouter, rien n’existait pour permettre d’établir, en tout premier lieu, un diagnostic dénué de toute complaisance.

Ce site peut avoir cette vocation ambitieuse mais indispensable, à savoir celle de rassembler non pas une mais des réflexions, chacun apportant son esprit de système, son expérience, c’est-à-dire autant de pierres à l’édifice dont la finalité première est celle d’éclairer, tout d’abord, les citoyens afin qu’ils exercent, de plus en plus, leur choix sur le plan politique en parfaite connaissance de cause.

Depuis trente ans, la liste des ouvrages consacrés à la corruption, au système mafieux, au trafic de la drogue et à tous les maux qui portent atteinte à la démocratie et, par conséquent, à la vie des citoyens, s’est allongée mais rien n’a changé.

Pourquoi ? Tout simplement parce que la connaissance elle-même suppose du courage et de l’effort et qu’effectivement il faut emprunter à NIETSCHE cette question fondamentale : « Quelle dose de vérité êtes-vous capables d’absorber ? ».

En outre, ces nouvelles formes de pouvoirs pèsent, non seulement sur l’économie des pays qu’elles entendent mettre à leur merci, mais également sur leur classe dirigeante et ce, au travers de la corruption.

Si la corruption ne suffit pas, ces nouvelles formes de pouvoirs, elles-mêmes de plus en plus souvent placées sous le contrôle du système mafieux, n’hésitent pas à recourir à la violence et à l’élimination physique de leurs adversaires.

Pendant longtemps, la manifestation de ces nouvelles formes de pouvoirs n’a pas été perçue comme ayant un retentissement sur la vie quotidienne de chaque citoyen, qu’il soit français, européen ou citoyen du monde.

Aujourd’hui, tel n’est plus le cas.

Le pouvoir financier suscite de nouveaux appétits, de nouveaux émules et la satisfaction de cette soif de pouvoir et de richesse ne peut intervenir qu’au détriment de plus en plus de citoyens.

Le meilleur des exemples est sans doute celui du trafic de la drogue.

Pendant un temps limité à la satisfaction des sens d’artistes ou d’intellectuels, utilisé à des fins militaires pour financer des conflits, il est venu, peu à peu, polluer la finance mondiale et fausser les indicateurs du baromètre de l’économie.

Non seulement ce trafic de la drogue a décuplé  le pouvoir de ceux qui en assurent le contrôle et la maîtrise, mais il est venu, également, détruire l’équilibre social en provoquant la déchéance et la mort, en bouleversant l’échelle des valeurs, puisque les possibilités d’enrichissement du plus modeste des trafiquants, laissent très loin derrière les possibilités d’enrichissement de celui qui accepte de se soumettre aux règles du jeu qu’imposent la loi et le respect de l’intégrité physique et morale des autres êtres humains qui l’entourent.

Accepter de se consacrer à une telle réflexion, à entrer dans une nouvelle forme de résistance, c’est accepter, peut-être, de ne pas voir sa propre victoire.

C’est, cependant, orienter son action au service du bien-être de chaque citoyen en étant persuadé que le respect de la loi et de la règle de droit sont les seuls moyens dont dispose tout être humain pour canaliser, non seulement son énergie vitale, mais également les progrès scientifiques et technologiques qui peuvent effectivement accroître le bien-être de chacun ou bien participer à son asservissement.

Au XXIème siècle, telle sera, notamment, la tâche du Juge, puisque dans une démocratie le Juge est le bras armé du citoyen.

 

Comments are closed.